Article publié dans Linux Magazine 118, juillet/août 2009.
Copyright © 2009 - Sébastien Aperghis-Tramoni
Dans le cadre de Go Open 2009 était organisée une soirée spéciale le 16 avril avec quatre grands noms du monde des logiciels libres, Larry Wall, Jon "Maddog" Hall, Bruce Perens et Simon Phipps, le tout animé par Håkon Wium Lie, CTO d'Opera (qui est une société norvégienne, basée à Oslo).
Trois heures et demie de discussions en anglais, avec force anecdotes et histoires croustillantes. Votre serviteur a fait de son mieux pour essayer de retranscrire les réponses de ces personnes très intéressantes à écouter.
Bruce Perens
états-unien, il est programmeur et promoteur de la communauté open-source. Auteur de l'Open Source Définition, il a fondé l'Open Source Initiative avec Eric S. Raymond. Auteur d'Electric Fence et de Busybox, second Debian project leader, après Ian Murdock, il est aussi radio-amateur et a milité pour la simplification des traités internationaux à ce sujet. Il a travaillé 12 ans pour Pixar, où il a développé de nombreux logiciels utilisés pour la production des films 3D. Il a aussi travaillé chez Hewlett-Packard comme chef de la stratégie open-source. Il est maintenant consultant en stratégie pour les grandes sociétés qui utilisent des logiciels libres.
Pour commencer, Håkon demande à chacun de se présenter, ce qui est surtout une excuse pour chacun de raconter des « souvenirs de guerre ».
Bruce Perens raconte ainsi comment, après avoir publié Electric Fence
(un outil de debug de malloc()
) en 1987, il a commencé à recevoir des
mails du genre : « Electric Fence vient de me sauver la vie !
si vous passez en Irlande, ma porte vous est ouverte ! »
Il revient aussi sur la création de l'Open Source Initiative. Il mettait
au point les Debian Free Software Guidelines et fut recruté par Eric
Raymond pour adapter ce document et ainsi créer l'Open Source Definition,
à la base de l'Open Source Initiative. Peu de temps avant, la société
Netscape avait annoncé la publication de leurs logiciels, et la création
officielle de l'OSI avait amené une situation incongrue : Steve Ballmer
répondant aux journalistes qui le lui demandaient que non, Microsoft
ne publierait pas les sources de Windows, et donc expliquant dans le
détail l'OSD. « Ok, now I'm on serious drugs! » :-)
Jon "maddog" Hall
états-unien, il est le directeur exécutif de Linux International, une organisation non commerciale dédiée à la promotion et au développement de Linux. Il a été programmeur système sur de gros mainframes IBM, directeur de département d'université, administrateur système aux Bell Laboratories, ingénieur et manager pendant 16 ans chez DEC, puis VA Linux Systems et SGI. C'est durant cette période chez Digital qu'il a rencontré Linus Torvalds et l'a aidé à réaliser le port de Linux sur Alpha. Il est maintenant aussi CTO et ambassadeur de la société canadienne Koolu.
Comme Håkon lui a posé la question, Jon Hall commence d'abord par expliquer d'où lui vient le surnom de "maddog" (chien fou). Il explique que ce sont ses étudiants qui l'ont surnommé ainsi car à 27 ans, il ne contrôlait pas ses émotions comme maintenant. Plus précisément, il explique que l'université avait décidé de l'installation d'un petit parc de machines sous Windows, et pour ce faire avait mandaté quelqu'un de chez Microsoft. Officiellement un ingénieur ou un technicien. Mais quand Jon l'a vu ouvrir le manuel d'installation à la page 1, et qu'il ne répondait à ses questions qu'en faisant comprendre qu'il faudrait payer plus cher, Jon l'a littéralement pris par le col et jeté dehors « pour cause d'incompétence flagrante » !
Changeant de sujet, Jon s'amuse à demander à la cantonade quelle est la séquence des interrupteurs à activer pour démarre Unix sur un PDP-11 ? Bruce et Simon se gratte la tête et commence à lancer quelques chiffres, mais c'est Larry qui donne la bonne réponse : 7, 7, 3, 3, 2, 4. Jon explique qu'il avait entendu parler d'un jeune dans un ancien pays communiste qui avait écrit un Unix pour machines Intel, et qu'il serait intéressant de le faire venir à la Nouvelle Orléans (où travaillait Jon), pour qu'il montre son système. (Jon décrit par sous-entendus la Nouvelle Orléans comme une Sodome et Gomorrhe moderne, une capitale du vice et de la drogue.) La société DEC fut tout de même convaincue de payer en 1994 le voyage de Linus Torvalds aux USA pour qu'il leur montre son système Linux. Surpris par le sérieux de Linus et de son OS, Jon lui a même laissé la main sur une toute nouvelle machine Alpha de plusieurs dizaines de milliers de dollars, pour que Linus puisse réaliser le premier port sur une architecture autre que Intel.
Simon Phipps
britannique, il est le Chief Open Source Officer chez Sun Microsystems, où il coordonne la participation de Sun dans les logiciels libres et les communautés attachées. Diplômé en ingénierie électronique, il a aussi travaillé chez IBM où il a aidé à l'introduction de Java et XML.
Vient le tour de Simon Phipps, qui avec un diplôme en électronique, ne se voyait tout de même pas souder des moniteurs toute sa vie, et son premier emploi consistait donc à redémarrer des mainframes. Il a travaillé pour IBM, entre autres sur un système de vidéoconférence par RTC qui fur porté sur plusieurs OS (AIX, AS/400, Windows) et qui est aujourd'hui la base de iChat Video. Il avait aussi créé une société pour porter Java sur les systèmes IBM. Les managers n'eurent connaissance de cette société que par la presse, se trouvant obligés de confirmer le support de Java. Pour Simon, Java ou OpenSolaris sont les preuves que publier le code source, loin de tuer une compagnie (ici Sun), est au contraire ce qui permet au logiciel d'avoir du succès.
Larry Wall
états-unien, né en 1954, il est auteur et programmeur, principalement
connu pour avoir créé le langage de programmation Perl en 1987.
Diplômé en linguistique, il est néanmoins devenu programmeur et
administrateur système au Jet Propulsion Laboratory de la NASA,
et est à l'origine des logiciels rn(1)
et patch(1)
.
Il continue aujourd'hui de s'occuper de Perl, en travaillant en
particulier sur Perl 6.
Larry Wall termine les présentations personnelles (qui étaient censées
durer 5 minutes pour chacun !). Larry paraissait comme souvent un peu
nerveux de parler devant tant de monde, et semblait se cacher derrière
son chapeau de cow-boy. Il a un diplôme en « langages naturels et
artificiels », quelque chose qu'il a lui-même créée car cela n'existait
pas alors. Il a écrit rn(1)
, un logiciel pour lire les messages sur
Usenet qui sait à peu près tout faire sauf lire les messages pour vous.
Découvrant le monde des logiciels libres, il s'est rendu compte que les
gens s'envoyaient des patches par mail, mais que beaucoup n'étaient pas
appliqués car il fallait le faire à la main, et le format n'était pas
très lisible. Il a alors écrit patch(1)
pour rendre cette tâche bien
plus aisée.
Plus tard, alors qu'il travaillait pour le Jet Propulsion Laboratory de
la NASA, il a écrit Perl pour combler la niche entre le C et le shell.
Quelques années plus tard, quelqu'un de la NSA l'a remercié en lui disant
qu'ils utilisaient Perl. Larry lui a demandé s'il pouvait le citer.
Son interlocuteur lui a demandé étonné « Doesn't everybody use
Perl? », ce à quoi Larry a répondu « You should know! »
:-)
Bruce, voulant gentiment piéger Larry, lui demande, s'il avait la possibilité d'évangéliser une chose aux américains, que choisirait-il, Perl ou le christianisme ? (Larry est connu pour être un fervent baptiste, mais non prosélyte.) Larry répond par une jolie pirouette : « quelque chose qu'il pourrait utiliser pour faire plus d'une chose ».
Håkon Wium Lie
norvégien, né en 1965, il est Chief Technology Officer chez Opera depuis 1999. Diplômé du MIT Media Lab, il a travaillé chez Norwegian Telecom Research puis CERN, où il a proposé le concept de Cascading Style Sheets (CSS) et en a rédigé la recommandation W3C. Il est aussi à l'origine du test Acid2 des navigateurs web.
Håkon cite ce qui est maintenant un adage : « Perl is the duct tape of the web » Larry : « It's a good thing, because duct tape is like the Force, there's a Light Side and a Dark Side »
Larry conclue sur Perl en rappelant qu'il s'agit pour lui d'un langage de glu, permettant de facilement se connecter à une base de données ou un autre système pour produire du HTML.
Note : votre serviteur s'excuse par avance de l'aspect décousu des paragraphes qui suivent, car il a simplement tenté de retranscrire les farandoles de réflexions qui fusaient un peu dans tous les sens.
Simon parle d'un autre genre d'ouverture, celle des documents des gouvernements et États au grand public. Les États-Unis ont le Freedom of Information Act qui garantit la mise à disposition publique (éventuellement avec censure) au bout d'une durée déterminée. Le Royaume-Uni pense à publier un document chaque année.
On demande à Jon comment il est passé du chien fou à l'homme sage aux cheveux gris. Il répond qu'il a appris que quand on perd ses nerfs, on perd son argumentation.
Il se désespère de l'inculture générale des états-uniens : la plupart n'ont pas lu la Constitution (ou c'était il y a longtemps), et ne savent pas placer leur propre pays sur une carte du monde. Il pense que les norvégiens sont plus démocratiques.
Pour lui, les logiciels libres sont toujours meilleurs pour le business
que les logiciels propriétaires car ils permettent d'ajouter de la valeur.
Larry prend une voix mystérieuse pour dire qu'il connaît le sombre secret
du succès des logiciels libres : ne pas inviter Richard Stallman.
Jon saisit la pique et explique que le problème avec le terme anglais
free est qu'il peut se comprendre comme « free of costs »
(gratuit). De plus, C'est Tim (O'Reilly) et d'autres qui ont choisi
l'expression open source pendant qu'il était aux toilettes :-)
Simon fait remarquer que l'OSI était vraiment nécessaire en 1998 car des sociétés commerciales commençaient à entrer dans le jeu, et cela offrait un cadre. Mais peut-être est-il temps aujourd'hui de changer et d'aller vers une nouvelle définition ?
Larry fait remarquer que sa motivation pour faire des logiciels libres n'est pas l'idéologie ou des raisons commerciales, mais à cause de tout ce code et ce temps généreusement donné par tant de personnes.
Bruce répond à la question de Simon en expliquant que le seul but légitime de l'OSI est d'approuver des licences, mais on ne leur a pas dit quand s'arrêter. Mais d'un autre côté, qui pouvait, en 1998, s'attendre à ce que l'open source aboutisse à quelque chose ?
Håkon se demande, s'il y a trop de licences, pourquoi ne pas utiliser Creative Commons ? Bruce répond qu'empêcher d'utiliser un logiciel libre dans des applications commerciales est vain puisqu'on est tous engagés dans des contextes commerciaux. Donc personne ne peut être intéressé pour contribuer à quelque chose qu'il ne pourra pas utiliser.
Jon fait remarquer que le problème est que chaque logiciel, chaque projet veut sa propre licence, souvent juste pour que le nom dudit logiciel ou projet soit dans le texte de sa licence. Et la plupart des personnes n'ont pas la moindre idée de l'importance du texte. Jon développe un exemple qu'il a vécu, quand X/Open voulait changer certaines parties de leur licence. Il a dû longuement leur expliquer comment le fait de changer telle ou telle partie, même d'apparence anodine, pouvait briser le modèle économique de sociétés informatiques.
Bruce note que Apple est un exemple qui montre que les sociétés peuvent être des interlocuteurs avec lesquels discuter. Simon remarque toutefois qu'il en reste encore beaucoup qui ne voient les licences que comme des réponses unilatérales contre les autres sociétés ; il leur reste encore à comprendre les licences ouvertes comme des contrats multilatéraux.
Changeant de sujet, Håkon demande de commenter sur la « victoire » auto-proclamée de Microsoft qui prétend représenter 40% du marché des mini-portables. Jon voit les choses autrement : cela veut dire que 60% de ces portables sont sous Linux, ce qui est une bonne chose. D'un autre côté, il y a aussi probablement des gens qui achètent un portable sous Linux pour le payer moins cher, puis installent leur copie (légale ou pas) de Windows. Larry ne s'en soucie pas vraiment car Perl fonctionne sur Win32, et pour lui « your walls are going to be the next guy's foundations ».
Håkon est assez d'accord avec Larry (Opera fonctionne aussi bien sur Windows que Linux) et ajoute qu'il se soucie surtout de ce qui transite sur le cuivre. Bruce proteste et argumente avec une petite digression historique. Avant le XIVe siècle, seuls les riches et l'Église avaient accès à la connaissance et pouvaient distribuer des discours politiques. L'invention de l'imprimerie a été une vraie révolution car cela a permis à n'importe qui d'écrire, imprimer et distribuer des tracts politiques. C'est ainsi que les Révolutions Françaises et Nord-Américaine ont commencé. Les logiciels libres sont un genre de manifeste, de discours politique (de par leur valeur même du partage).
Jon renchérit en expliquant que quand il avait 19 ans, les logiciels n'étaient pas protégés par le droit d'auteur. Quand ils achetaient des logiciels, les sources étaient livrées avec. On pouvait donc les modifier, mais contribuer était difficile car cela se faisait par courrier postal, ou pour les plus fortunés par UUCP. Internet a fait tomber ce coût à quasiment zéro, permettant de contribuer de manière très simple.
Håkon demande ensuite leur opinion à propos des logiciels sur téléphone mobile. Jon redonne son argument sur l'absence de support à long terme de la part des éditeurs et constructeurs (par exemple, Windows 95 sur un vieux PC). Les logiciels libres sont la seule solution pérenne.
Simon note que les standards comme le W3C restent à la merci d'acteurs en situation de monopole. Si Microsoft ou Blackberry avaient pu imposer leur volonté, le Web aurait été rendu inutile et Opera aurait fermé. Bruce modère un peu en fisant remarquer que Tim Berners-Lee a inventé le Web, mais a laissé les gens trouver eux-mêmes comment faire de l'argent sur le Web.
Et si les ordinateurs n'avaient pas été inventés, que seraient devenus nos illustres invités ? Larry serait devenu un violoniste professionnel, Simon un chef cuisinier, Jon un professeur.
Håkon propose maintenant au public de poser des questions, les personnes voulant le faire devant venir sur l'estrade, et commence lui-même avec une première question.
Jon lui répond sous forme d'une autre question : que pouvons-nous aujourd'hui faire sans ordinateur ?
Larry pense qu'ils seront toujours gagnants car ils sont bien trop présents dans l'infrastructure de l'informatique. Simon pense au contraire qu'il pourrait bientôt y avoir de l'action à cause de Microsoft, et qu'il va falloir se concentrer sur la liberté.
Pour Jon, la pyramide des logiciels ne peut que croître par le côté, car c'est ainsi que fonctionne l'économie : augmenter sa part de marché ou faire grossir le marché. Bruce reste inquiet à cause des brevets sur les logiciels, voyant comme nos vies sont littéralement contrôlées par les ordinateurs. Et il y aura toujours des marchés pour les logiciels propriétaires, alimenté par la dette et les projets avec des plannings très serrés. Il donne comme exemple l'impôt sur le revenu aux États-Unis, très complexe à comprendre, et pour lequel de nombreuses personnes et entreprises achètent des logiciels propriétaires pour les assister.
Bruce explique qu'il a lu un roman de science-fiction dans lequel l'auteur décrit un monde où tous les systèmes médias intègrent des systèmes de sécurité qui sont à un moment activés pour empêcher les gens d'enregistrer les informations. Avec les DRM, on n'en est pas si loin.. Simon remarque que le gouvernement brésilien a d'ailleurs décidé de concevoir leur propre système de télévision numérique.
Une personne assez enthousiaste, qui pensait qu'Internet était la plus grande invention depuis le feu et la roue, et la seule vraie forme de démocratie, mettant Pirate Bay sur un piédestal, et considérant qu'il faudrait détruire Internet pour satisfaire les appétits voraces de certaines sociétés, demandait si le réseau des réseaux pourrait survivre à ça.
Larry répond « Oui ! » Bruce note que Pirate Bay n'a pas grand-chose à voir avec la liberté. Simon se demande comment on peut continuer à parler de « pirates » pour la copie de fichiers après les rappels de ce que sont les vrais pirates, des gens armés d'un couteau et près à vous tuer pour de l'argent, comme au large de la Somalie.
Jon : « Qu'est-ce que la liberté ? difficile à définir. Qu'est-ce que l'esclavage ? les gens le reconnaissent facilement » Pour lui, utiliser des logiciels propriétaires, c'est être un esclave. Bruce renchérit : les logiciels gratuits mais propriétaires, c'est comme dans les années 70s, quand un dealer vous donnait une dose de drogue gratuite. Ici, pour vous rendre dépendant, esclave, d'un logiciel.
La personne commençait sa question en rappelant qu'aux États-Unis, le droit d'auteur (copyright) s'appuie sur la Constitution pour donner un monopole temporaire sur une œuvre, mais est interrompue par Jon d'un retentissant « NO! ». Simon corrige et explique que ce droit avait originellement été introduit pour protéger les quelques auteurs et producteurs qui existaient. Mais Internet a changé la donne car les consommateurs ne sont dorénavant plus sous le contrôle des producteurs.
Bruce rappelle qu'après la fin de l'exercice du droit d'auteur, l'œuvre doit être reversée dans le domaine public, mais celui-ci est spolié par les continuelles extensions de la période de protection. Dans le cas des logiciels, il faut en plus ajouter les brevets, utilisés par les grosses entreprises. Jon reprend le micro pour signifier à quel point il pense qu'il est stupide de traiter du code comme du texte ou de la musique, car personne n'utilise le même code qu'il y a 20 ans.
Larry chante « Mickey Mouse.. » :-)
Plus sérieusement, Simon parle d'ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), des accords multilatéraux entre un nombre croissant de pays négociés dans un grand secret, de manière totalement opaque. Ces processus doivent être rendus transparents, et pour cela, le mieux est comme souvent d'écrire à nos personnes politiques.
Selon Jon, un juriste australien expliquait que ces nouvelles lois seraient une bonne choses pour l'Australie car cela apporterait de l'argent à ce pays. Vraiment ? demande méchamment Jon, et quand la Chine entrera dans le jeu ?
Pour Larry, il faut trouver quelque chose d'amusant et rester avec. Bruce conseille de résoudre ses propres problèmes.
Jon élabore une réponse plus complète. Les personnes sur l'estrade auraient pu gagner plus d'argent, mais c'est une question de choix. Jon aimerait bien trouver le remède contre le cancer, mais il lui manque les compétences pour ça. Donc il s'agit déjà de contribuer avec ce que chacun a, afin de (en quelque sorte) rembourser l'éducation qu'on a reçu.
Bruce répond qu'avec le temps, tout devient logiciel. Donc on aura
un jour des voitures open-source, des CPU et FPGA open-source, mais pour
le moment, on n'a encore rien de tout cela. Jon commente qu'il vient
d'être terrifié par l'idée d'envisager des logiciels créatifs répliqués
par des imprimantes 3D :-)
Jon était en train de se lever pour aller aux toilettes mais en entendant la question, il s'exclame « shit! » et se rassoit pour donner rapidement son avis, à savoir qu'il s'agit de la liberté des logiciels, et que donc, oui, les logiciels (y compris libres) doivent pouvoir être utilisés pour tout, y compris des armes nucléaires ou biochimiques.
Bruce signale que sa société va commercialiser un logiciel sous double licence, une commerciale et la AGPLv3 (la plus restrictive des licences libres). Pour lui, le maître mot est le contrôle.. tant que le diable n'a pas le contrôle..
Bruce reconnaît que l'enseignement est un cas spécial. Le problème est qu'on enseigne Excel ou Word, alors qu'on devrait enseigner comment utiliser un tableur ou un traitement de texte. Jon confirme et ajoute que le problème sinon est de savoir quoi faire quand le logiciel change.
Simon répond que certaines personnes (Steve Ballmer) accusent les logiciels libres d'être du communisme, mais le communisme est centralisé. En fait, la meilleure manière de décrire les logiciels libres est justement le capitalisme, alors que Microsoft, au contraire, est le communisme, projetant ses propres échecs sur ses concurrents.
Jon remarque qu'avec le temps, le concept de vendre un produit s'est déplacé de l'achat du produit même à l'achat du service rendu par le produit. Il pense lui aussi que les logiciels libres sont intrinsèquement capitalistes.
Bruce nuance ces points de vue en indiquant qu'il faut distinguer entre le capitalisme et le libre marché, qui se différencient par la régulation. La non application des règles de régulation est la cause première du cataclysme actuel. Pour fonctionner, le capitalisme a besoin de services publics (routes, écoles) qu'il n'est pas capable de fournir de lui-même. Cela inclut aussi les logiciels libres.
Pour Larry, on entend beaucoup d'économistes parler ces temps-ci, mais
il préfère se souvenir que ce que dit un économiste est vrai en théorie,
mais faux en pratique :-)
Comme cette soirée se termine, Jon reprend le micro pour expliquer pourquoi 1969 était pour lui une année brillante : 69 est un nombre super, il était étudiant, le premier nœud ARPANET est devenu opérationnel, la première version d'UNIX était publiée (sous le nom UNICS), et Linus a 40 ans cette année.
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