Article publié dans Linux Magazine 94, mai 2007.
Cette interview a été réalisée au Stayokay Hostel le 4 mars 2007, à Arnhem, Pays-Bas, pendant le premier hackathon Perl européen.
Ann Barcomb (kudra) est l'organisatrice de ce hackathon.
Entretien et transcription réalisés par Philippe Bruhat. Relecture par Estelle Souche.
Bonjour. Pourrais-tu te présenter un peu à nos lecteurs ?
Je m'appelle Ann Barcomb. Je suis probablement plus connue pour ce que j'ai organisé et d'autres méta-activités que pour quelque code que ce soit, bien que j'aie travaillé comme programmeuse pendant plusieurs années. Mon emploi actuel consiste à écrire de la documentation, car j'avais besoin de faire une pause par rapport à la programmation.
Ma première activité dans la communauté Perl a consisté à être l'une
des principales organisatrices de la conférence YAPC Europe, à Amsterdam
en 2001. C'était la deuxième YAPC Europe. Depuis, je suis devenue membre
du conseil de la Fondation YAPC Europe (http://www.yapceurope.org/)
et depuis un peu plus d'un an, j'écris les résumés hebdomadaires de
Perl 6, qui sont envoyés sur use Perl, sur mon blog O'Reilly,
le blog de Pugs ainsi que la liste de diffusion perl6-announce
.
Qu'est-ce que c'est qu'un hackathon ?
Un hackathon est un événement, qui se tient généralement le week-end, pendant lequel un petit groupe de gens se retrouvent et travaillent sur des projets spécifiques. C'est différent d'un workshop ou d'une conférence à cause du plus petit nombre de participants et parce qu'il n'y a aucun exposé planifié : les gens viennent pour travailler effectivement sur des projets.
Certaines personnes viennent sans projet particulier en tête et s'attellent à tout projet qui leur semble intéressant. La plupart des gens viennent avec déjà une idée de ce qu'ils veulent faire ; le but est d'avoir du temps en tête à tête avec ses collaborateurs et d'abattre beaucoup plus de travail.
Est-ce que c'était le premier hackathon dans la communauté Perl ? Il me semble que toute cette mode des hackathons est assez récente.
Les hackathons sont certainement un buzzword en ce moment ; ils sont devenus de plus en plus en vogue ces derniers temps. Celui-ci n'était pas le premier ; il y en a un autre qui a été organisé de manière un peu improvisée après YAPC Chicago l'an passé. Plusieurs personnes sont restées pour quelques jours après la conférence, une partie de l'équipement a été réquisitionné dans ce but et ça a été un gros succès. Alors en novembre dernier, les organisateurs de YAPC Chicago ont organisé un hackathon autonome. Ils ont eu environ 50 participants.
Celui-ci est le premier hackathon européen consacré à Perl, pour autant que je sache. Il est lui aussi autonome. Si j'ai bien compris, Vienne a planifié un hackathon en conjonction avec YAPC Europe, et il pourrait y avoir d'autres hackathons autonome en Europe plus tard dans l'année... Je crois que les Mongueurs de Perl ont parlé d'en faire un ?
Euh, oui. Mais c'est plus une idée qu'un véritable projet pour le moment...
Eh bien, ça commence comme une idée et vous vous dites « peut-être qu'on va le faire », et avant que vous ne vous en rendiez compte, vous êtes en train de le faire. Ça demande beaucoup moins d'organisation que pour une conférence.
Est-ce que c'est limité à la communauté Perl ?
D'autres organisations font aussi des hackathons. De fait, il y en a déjà eu plusieurs consacrés à Linux. L'un de nos sponsors, NLNet, a sponsorisé un certain nombre de hackathon l'an passé, et Perl en était juste un parmi beaucoup d'autres.
C'est donc certainement une idée qui a pris aussi auprès du reste de la communauté Open Source.
J'avais l'impression que c'était venu plus ou moins d'Audrey [Tang, l'auteur de Pugs], à cause de cette habitude qu'elle a de se faire inviter chez les gens et de hacker pendant quelques jours avant de repartir.
Je sais qu'Audrey faisait certainement cela. Après YAPC Chicago l'an dernier, Audrey et quelques autres personnes sont allées chez Jesse Vincent [fondateur de Best Practical, qui publie RT et SVK] pour quelques jours, pendant une semaine environ, me semble-t-il. Je crois qu'il y avait cinq ou six personnes qui sont restées là, pour continuer de travailler. Mais je ne sais pas d'où l'idée est venu. C'est plus répandu que juste la communauté Perl. C'est quand même quelque chose d'assez évident à imaginer. Si par exemple vous avez un groupe de gens qui travaillent à distance, de temps en temps les gens vont se retrouver, face à face, simplement parce que certaines choses sont plus faciles à faire en personne. Et c'est également une bonne chose de connaître les gens avec qui vous travaillez.
Dans la communauté des projets Open Source, il y a des groupes de gens très dispersés. C'est donc naturel qu'ils veuillent se retrouver, se rencontrer et essayer de travailler ensemble. Pendant les conférences, il y a toujours des gens qui essayent de faire ça, mais il se passe tellement de choses à côté qu'il est difficile de vraiment se concentrer.
Parlons un peu de ce hackathon : combien de personnes sont venues ? Sur quels projets ont-elles travaillé ? Est-ce que c'est un succès ?
J'aurais tendance à considérer que c'est un succès ou un échec en me demandant si les participants se sont vraiment fait plaisir, et si leur projet valait le coup. La question n'est pas « ont-ils accompli tout ce qu'ils voulaient faire ? », car je suis sûre que la plupart des gens sont venus avec une très longue liste de choses qu'ils voulaient mener à bien et qu'ils n'ont pas pu tout faire. Mais si les participants ont le sentiment que ça valait le déplacement et le prix qu'ils ont payé, qu'il en ont tiré quelque chose et qu'ils se sont fait plaisir, alors c'est un succès.
En tant qu'organisatrice, d'autres indicateurs de succès pourraient être : est-ce que suffisamment de gens sont venus ? Évidemment, qui voudrait organiser une fête où personne ne vient ? De ce point de vue, il y a eu assez de participants pour faire un hackathon. J'aurais préféré qu'il y ait un peu plus de monde, car nous avions un nombre de participants bien inférieur à celui du hackathon de Chicago, mais je pense que c'est en partie dû au fait que je n'avais vraiment pas beaucoup de temps : il a été annoncé à peine un mois avant d'avoir lieu, et c'était plutôt une tentative de hackathon européen autonome.
Au début, je ne savais pas de combien de fonds je disposerai, aussi j'ai préféré faire petit plutôt que banqueroute.
Et aussi, en ayant un petit groupe, je pense que nous avons pu discuter beaucoup plus... Il y a certainement des avantages à avoir un petit groupe plutôt qu'un grand groupe.
Voici donc quels sont selon moi les critères de réussite d'un hackathon, du point de vue d'un organisateur : est-ce que les hackers se sont fait plaisir ? Est-ce qu'il y a eu assez de projets ? Au sens où ce n'était pas juste toi et deux de tes copains... Et bien sûr, est-ce qu'il y a eu assez de sponsors pour couvrir les frais ? À toutes ces questions, je pense que la réponse est oui pour ce hackathon.
Certains des projets sur lesquels on a travaillé ont été : Parrot, CPAN6, le système de gestion de conférences Act, la documentation sur Unicode en Perl 5 et aussi celle pour les expressions régulières en Perl 5. Je pense que c'étaient les principaux projets. Quelques personnes ont aussi travaillé sur d'autres sujets. Moi par exemple, j'ai travaillé sur quelques documents que je voulais produire.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui voudrait organiser un hackathon ?
En fait, j'espère écrire un document à ce sujet. J'ai découvert que l'organisation d'un hackathon était beaucoup plus facile que l'organisation d'une conférence. J'ai commencé à y réfléchir en décembre, j'ai cherché un site d'accueil en janvier, et fin janvier je l'ai vraiment annoncé et décidé que j'allais effectivement le faire et signé les documents avec le site. Il y a donc eu un mois où j'ai vraiment dû me concentrer dessus et y consacrer du temps tous les jours, mais c'est beaucoup moins que pour une conférence. Avant cela, il y a eu un temps de préparation d'environ un mois.
Je suggérerais aux futurs organisateurs d'étendre un peu plus cette durée : prenez-vous y beaucoup plus tôt pour faire savoir clairement qu'il va y avoir un hackathon, afin que les gens puissent avoir le temps d'organiser leur emploi du temps. C'est ce qui a été le plus gros problème ici : le fait que je n'ai pu prévenir qu'un mois à l'avance, bien que j'aie laissé des indices à ce sujet, et que j'en aie parlé à quelques personnes-clés pour savoir si elles viendraient. Quelque chose que vous pourriez faire plus si vous en avez les moyens serait d'inviter spécifiquement des personnes qui sont importantes pour des projets particuliers. Dans ce cas, nous avons eu la chance qu'Allison Randal et Jonathan Worthington soient tous deux dans la région, ainsi j'ai pu leur demander de piloter la partie Parrot du hackathon. S'ils n'avaient pas été présents, il aurait été très difficile d'avoir ce projet sans personne qui soit vraiment au centre du projet. Vous pourriez donc essayer de voir si d'autres personnes pourraient venir, mais seulement si vous savez dès le début que vous allez avoir assez de sponsoring pour couvrir ces frais. Mais d'après l'expérience de ce hackathon et de celui de Chicago, il est clair qu'il y a des fonds disponibles pour ce genre d'événement.
Que nécessite l'organisation d'un hackathon ?
Je dirais qu'organiser un hackathon est beaucoup plus simple qu'organiser une conférence. Comme je l'ai mentionné, cela prend à peu près un mois, éventuellement deux, pour organiser un hackathon, alors qu'organiser une conférence prend un an. Les tâches les plus importantes pour moi en tant qu'organisatrice étaient de m'assurer du financement, de trouver un lieu approprié et créer le site web. Quand créer le site web est l'une de vos tâches principales, c'est que l'ensemble du travail est assez réduit.
Aussi, une des choses dont j'ai été très contente avec ce hackathon est que, bien que j'ai dû faire la plupart du travail de préparation, d'autres personnes m'ont beaucoup aidé quand il s'est agit du hackathon lui-même. Plusieurs personnes d'Amsterdam.pm se sont spontanément proposées pour aider. Liz Mattijsen et Wendy van Dijk sont passées quelques semaines auparavant pour tester le réseau qu'elles prévoyaient également d'utiliser pour le Dutch Perl Workshop [qui s'est déroulé deux semaines après le hackathon, au même endroit]. D'autres personnes ont donné un coup de main quand elles le pouvaient, par exemple vers trois heures le vendredi Sebastian Stellingwerff est arrivé est à installer le réseau sans fil. Je ne m'y attendais pas ; je pensais que ce seraient Liz et Wendy. Et donc quand Liz est arrivée, elle a étendu le réseau. Mark Overmeer m'a emmenée à l'épicerie pour que je puisse acheter des en-cas. Juerd Waalboer est arrivé avec une imprimante.
Vraiment, tout le monde a aidé. Je n'ai pas eu à rester levée tard pour fermer les portes, je pouvais juste passer les clés à quelqu'un et lui faire confiance pour que ce soit fait. Bien que je sois responsable de toute l'organisation initiale, je me suis rendu compte que tout le monde s'est investi quand il s'est agit de faire se dérouler l'événement sans accroc.
C'était parce que nous avions un plus petit groupe, où la plupart des gens se connaissaient entre eux. Contrairement à ce qui ce serait passé à une conférence, j'ai vraiment eu le temps de profiter du hackathon. J'étais venue préparée à ne rien pouvoir accomplir du tout, à cause de mon expérience avec les conférences, mais j'ai eu en fait plein de temps pour travailler.
En conclusion, une des choses que j'ai découvertes est que si vous avez toutes les pièces en place, les gens présents feront que les choses se passent une fois que le hackathon est effectivement en route.
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