Article publié dans Linux Magazine 54, octobre 2003.
Copyright © 2003 - Jean Forget.
Sans doute avez-vous remarqué la publicité pour YAPC qui est parue à la page 97 du numéro 51 et à la page 69 du numéro 52 ? Et peut-être avez-vous cru qu'il n'en serait plus question après les vacances ? Éh bien non, voici un compte-rendu de la conférence YAPC Europe qui s'est tenue au CNAM à Paris du 23 au 25 juillet, organisée par les Mongueurs de Perl de Paris (avec le soutien de quelques lyonnais et un toulousaing).
YAPC est Yet Another Perl Conference, un clin d'oeil à TPC, The Perl Conference organisée par O'Reilly. Kevin Lenzo a voulu organiser une conférence grassroots (on pourrait traduire par "à la bonne franquette") et à faible coût, destinée aux programmeurs Perl.
L'entrée à YAPC était beaucoup plus abordable que celle à TPC, mais restait, du fait du prix du voyage, tout de même élevée pour quiconque n'habite pas en Amérique du nord. Léon Brocard et le groupe London.pm ont donc décidé d'organiser une conférence YAPC à l'intention des européens et c'est ainsi que s'est ouverte la première conférence YAPC::EU à Londres, en septembre 2000. Devant le succès de cette conférence, d'autres groupes se sont proposés pour organiser les conférences suivantes. Il y a donc eu YAPC::EU-2001 à Amsterdam, YAPC::EU-2002 à Munich et enfin YAPC::EU-2003 à Paris.
Plus encore que les YAPC américains, YAPC::Europe est l'occasion pour la communauté Perl européenne, très active (elle compte au moins trois pumpkings (les responsables des versions majeures de Perl)) de se retrouver chaque année dans un pays différent.
Même si la date officielle de la conférence est le 23 juillet, pour beaucoup, elle a commencé le 22. Cette journée est consacrée à l'installation du matériel, au câblage du réseau, aux ultimes problèmes administratifs, bref à la préparation de la conférence. Toutefois, de nombreux participants montrent le bout de leur nez, pour savoir à quoi ressemblent les lieux, pour dire un petit bonjour, pour se faire enregistrer, pour recevoir un sac de goodies et un T-shirt et pour commencer à discuter avec les autres. De plus, cette année, quelques-uns en ont profité pour visiter le musée des Techniques, puisqu'il est situé dans le même pâté de bâtiments que le CNAM. Dans le cas des trois premiers arrivés, Thomas Klausner, Leo Toetsch et Mark-Jason Dominus (excusez du peu), ils ont même offert leurs services pour la préparation des sacs de goodies et le fléchage des abords.
En fin d'après-midi, nous avons quitté le CNAM pour aller nous désaltérer à un café voisin qui pratique la happy hour. Puis nous sommes allés nous restaurer à la Taverne République, située place du même nom, là où ont lieu les réunions mensuelles des Mongueurs de Paris.pm. Le record d'affluence précédent, 30 personnes en décembre 2001, a été largement dépassé. Je n'ai pas compté combien nous étions, mais je pense qu'il y avait entre 60 et 80 personnes dans la salle du sous-sol, notamment en raison d'un arrivage important de londoniens en cours de soirée.
Le premier jour d'une conférence YAPC est traditionnellement réservé aux tutoriels. C'est évidemment aussi la journée où la plupart des participants se font enregistrer. C'est ainsi que de 8 heures du matin à 9h15, puis de nouveau à la pause café de 10h30, nous avons vu défiler tous ceux qui ne s'étaient pas fait enregistrer la veille. Cela dit, ceux qui s'étaient déjà fait enregistrer ont dû refaire la queue, car cette année nous avions droit à des badges avec photo, grâce à Fotango, un sponsor dont c'est une spécialité.
Si je puis me permettre une remarque personnelle, je trouve que l'idée du badge avec photo n'est pas si bonne que cela. En effet, les early birds ont dû faire la queue deux fois, car il n'y avait personne le mardi pour faire fonctionner le système produisant les badges. De plus, lors de la pause café de 10h30, il était difficile de circuler dans le hall, compte tenu de la présence des quelques retardataires qui se faisaient enregistrer, des nombreux autres qui attendaient pour se faire photographier et de ceux qui voulaient simplement boire une tasse de café et manger un morceau de quatre-quarts. Finalement, tout le monde n'a pas pu se faire photographier, notamment ceux qui sont arrivés le jeudi ou le vendredi. Les autres années, les badges étaient prêts dès l'arrivée du premier early bird, il n'y avait qu'à jeter un coup d'oeil sur la table pour trouver le sien et le prendre. Je trouve ce système beaucoup plus simple. Je précise toutefois que pour la majorité des participants, le badge avec photo était une bonne idée. Les photos seront d'ailleurs disponibles prochainement sur le site web de la conférence (http://yapc.mongueurs.net/).
Les tutoriels sont des exposés durant tout une demi-journée et
présentant un sujet de façon détaillée. Cette année, nous avons eu
droit à un tutoriel sur mod_perl
par Stas Bekman et un autre par
Thomas Klausner, un tutoriel sur l'optimisation des scripts Perl par
Nicholas Clark, deux par Mark-Jason Dominus, le premier sur les
itérateurs et les générateurs, le second sur Tricks of the
Wizards. Le dernier tutoriel, sur le format graphique SVG, n'a pas pu
se tenir le mercredi, Ronan Oger ayant été bloqué à Vancouver par les
aléas du transport aérien. Heureusement, Dave Cross, Simon Wistow et
Piers Cawley ont pu présenter leurs exposés respectifs dans la plage
horaire prévue pour Ronan. Le site web de la conférence a été mis à
jour aussitôt, mais nous n'avions pas d'imprimante disponible, ce qui
fait que notre tableau d'affichage n'était pas à jour.
Finalement, M-J D. a terminé l'après-midi avec douze exposés très brefs sur des sujets aussi divers que :
comment sa connaissance de Perl lui a permis d'épouser une femme qui pratique une forme traditionnelle de couture, le quilt stitching (comme quoi Perl peut vous aider pour votre vie sentimentale),
le langage C est-il fortement typé ou faiblement typé ?
comment choisir ses lectures pour qu'elles soient enrichissantes,
le message pour les extra-terrestres, émis par le radio-télescope d'Arecibo, contient une faute de frappe !
Le soir, l'assistance s'est divisée en groupes plus ou moins petits, les uns allant boire un coup, les autres prenant leur dîner ensemble.
Ce jour était réservé aux exposés de durée plus brève, 20 ou 40 minutes. Les sujets étaient très variés. Certains ont fait la démo du module qu'ils avaient écrit, d'autres ont expliqué des méthodes originales de programmation, comme celle qui consiste à utiliser à la fois Perl/Tk et curses (ce qui permet, entre autres, de débugguer un programme curses en affichant la trace dans une fenêtre Perl/Tk). Un dernier a exposé comment, à l'aide de Perl, il a pu distancer ses rivaux dans un jeu en ligne sur Internet (à titre de conclusion, il a raconté comment cet exploit lui a permis de participer au projet CPANTS lancé à YAPC-Europe en 2001, et comment en contre-coup il a trouvé une compagne dans la communauté Perl ; comme quoi Perl peut vous aider pour votre vie sentimentale).
En début d'après-midi, certains membres du groupe londonien se sont présentés avec sombreros, nachos, Tequila et comprimés d'Alka-Seltzer. Ils avaient décidé de jouer au "jeu du rafraîchissement" (drinking game). Ce jeu consiste à choisir un mot plutôt rare (dans leur cas, siesta) au début d'une conversation ou d'un exposé, puis à suivre attentivement l'exposé ou la conversation et à boire une gorgée d'une boisson alcoolisée (dans leur cas, de la Tequila) chaque fois que quelqu'un prononce le mot choisi. L'exposé en question, présenté par un membre de London.pm, avait pour sujet la gestion de listes de courrier au moyen de trois programmes appelés Mariachi, Nacho et... Siesta !
Cette journée a été marquée par un léger incident. Pour la conférence, nous avons installé quelques bornes Wifi, ce qui permet aux personnes équipées de pouvoir accéder à Internet pendant les exposés. D'autre part, le hall comportait un routeur pour founir l'accès à ceux qui étaient équipés d'un ordinateur portable mais pas d'une carte Wifi. Les uns racontent la conférence à ceux qui sont restés "là-bas", les autres passent la totalité des exposés à surfer sur le web ou à lire leur courrier (on se demande bien pourquoi ils viennent). Le réseau était dimensionné pour ces activités somme toute légères : web, courrier, IRC ; pas question de faire du téléchargement. Revenons à l'incident. Si les humains se sont bien comportés et n'ont pas surchargé le réseau, ce n'est pas le cas des machines. Une quinzaine d'entre elles fonctionnaient sous un système d'exploitation dont je tairai le nom (si des rôlistes ou des habitués de LinuxFR lisent ces lignes, sachez que le nom abrégé de ce monstre pourrait se traduire par "gagner des points d'expérience"). En fin de matinée, ces quelques machines ont appris qu'une mise à jour du système d'exploitation était disponible sur Internet et elles se sont mises à la télécharger... ce qui a mis le réseau à genoux.
Après le dernier exposé de la journée, nous nous sommes rendus à la librairie Le Monde en Tique, où se réunissaient les auteurs de livre présents à la conférence, pour une séance de dédicace. Il y avait là : Dave Cross, Jarkko Hietaniemi, Stas Bekman, Eric Cholet, Yevgeny Menaker et Leopold Tötsch. À l'issue de cette séance, nous sommes allés dans un restaurant du boulevard Saint-Germain, car c'est là que se tenait le Speakers' dinner, traditionnellement offert aux conférenciers. Le restaurateur avait prévu de nous réserver son restaurant en entier, il fut bien inspiré : pas moins de 70 participants à la conférence (organisateurs, "speakers" et conférenciers) soit un tiers du total.
La matinée du vendredi a été marquée par une série de conférences sur Perl 6 et la machine virtuelle associée, Parrot. D'ailleurs, Dan Sugalski a fait le déplacement pour être présent à YAPC-Europe le vendredi. D'autre part, nous avons appris que Leopold Tötsch, bien connu comme étant le patch monster de Parrot, ne connaît rien à Perl. Un paradoxe, quand on évalue l'importance de ses contributions à Parrot !
Pour son exposé, Leo utilisait un équivalent en mode texte de
PowerPoint, écrit en Parrot. La totalité du source occupe une ou deux
pages d'écran, alors que la visionneuse PowerPoint dépasse le
mégaoctet ; quelqu'un a prononcé le mot bloatware ? Les
grands esprits se sont rencontrés, car pour son lightning talk,
Philippe a utilisé lui aussi un PowerPoint en mode texte, composé
d'une quarantaine de lignes de code Perl plus un appel au module
Getopt::Std
.
Nous avons eu également droit à un exposé assez distrayant de Marty Pauley, où il tente de démontrer que le développement de Perl 6 est influencé, entre autres, par la langue japonaise. À l'occasion de cet exposé, nous avons eu droit à l'équivalent japonais de "un chasseur sachant chasser...". Si je me souviens bien c'est "le crocodile a mangé deux canards dans le jardin". Bien que nous ayons répété cette phrase tous ensemble, je ne saurai vous dire comment elle se prononce. Ronan Oger a également fait le rattrappage de son tutoriel, amputé d'une heure.
La première partie de l'après-midi a été marquée par quelques derniers exposés, dont celui d'Elaine Ashton sur CPAN (Comprehensive Perl Archive Network). À cette occasion, elle a glissé dans son exposé le fait que c'est grâce à son travail sur CPAN qu'elle a fait la connaissance de son mari (comme quoi Perl peut vous aider pour votre vie sentimentale).
Pour la deuxième partie de l'après-midi, seul l'amphithéâtre de 300 places était ouvert. Cela a commencé par les lightning-talks (présentations éclair en français). Les volontaires ont 5 minutes, pas plus, pour effectuer leur exposé. D'ailleurs, Mark-Jason Dominus veillait, muni d'un minuteur, d'une sonnette pour l'avertissement à 4 minutes et d'un gong pour la limite de 5 minutes.
C'est ainsi que nous avons eu droit à quelques témoignages dans la lignée des exposés précédents. Nous avons eu cependant quelques exposés originaux. Nick Clark, d'abord, qui a exposé les problèmes du copy-on-write, assisté de quatre autres londoniens interprétant le rôle de variables pointant vers la même valeur. Piers Cawley, ensuite, dont l'intervention était partiellement chantée. Également Gabor Szabo, qui a casé trois exposés en cinq minutes, dont une comparaison édifiante entre les groupes de Perl Mongers.
Philippe, enfin...
Le cinéma et la littérature de SF abondent en histoires où un humain perd les pédales, débordé par une machine schizophrénique, psychopathe, mégalomane ou tyrannique. Regardez ou lisez 2001, Odyssée de l'Espace, Electric Dreams, Dark Star, Génération Proteus, Terminator, Planète Hurlante, Matrix ou Le Guide du Routard Galactique. Philippe s'est fait avoir, lui, par une machine boute-en-train.
Son lightning talk décrivait l'activité de l'association "Les Mongueurs de Perl". Il a commencé en expliquant que c'était le même lightning-talk que l'année précédente à Munich, puis il a continué en français, pour le bénéfice de ceux qui ont du mal à comprendre l'anglais. C'est alors que le programme de Philippe a manifesté son étonnement, puis a décidé de meubler en racontant des blagues pour le bénéfice des anglophones. Un fou-rire général s'est répandu sur la salle, affectant même Philippe qui a eu beaucoup de mal à recouvrer son sérieux pour terminer son exposé. Ce fut un triomphe, ni plus ni moins.
Ensuite, c'était le tour de la vente de solidarité, conduite comme d'habitude par Greg McCarroll. Le but de cette vente est de rassembler des fonds pour The Perl Foundation, qui à son tour subventionnera certaines personnes de premier plan, dont le travail bénéficiera à la communauté Perl entière. C'est ainsi que la fondation a permis à Leopold Tötsch de participer à YAPC-2003 en lui fournissant un billet de train aller-retour entre Vienne et Paris. À l'autre bout du spectre, la fondation a permis à Damian Conway de prendre deux ans de congés sans solde pour qu'il puisse consacrer ces deux ans à travailler sur la spécification de Perl 6.
Outre les lots "normaux", livres et T-shirts, ont été mis en vente des babioles, tels un chameau en plastique, des jeux de cartes O'Reilly ou une sculpture en ballonnets due au souffle et au talent artistique de Piers Cawley, voire des auto-collants portant une dédicace de Larry Wall, à coller sur le livre Perl de votre choix. Le lot qui a déchaîné les passions a été la langue dans laquelle seront rédigées la page d'accueil de London.pm et celle de Paris.pm pour les douze mois suivants. Après une lutte épique, c'est l'Espéranto qui s'est imposé.
Le discours de clôture a été l'occasion de remercier les participants et les présentateurs, ainsi que le moment de se donner rendez-vous l'an prochain à Belfast, pour YAPC::Europe 2004.
Certains nous ont quitté pour prendre leur train ou leur avion, mais les autres, qui restaient encore une journée ou deux à Paris, se sont répartis dans les cafés et les restaurants alentour pour continuer la soirée. C'est ainsi, par exemple, que la Taverne République a vu arriver les Mongueurs parisiens, la coterie Perl-XML, les Mongers italiens et Stas Bekman.
La journée du samedi a été réservée aux BOF sessions (Birds Of a Feather, rencontre de personnes avec un sujet d'intérêt commun) consacrées à Parrot et P5P. C'est le moment pour les gourous de Perl de se rencontrer pour une séance de travail intensive, sans les temps de latence dus au courrier électronique. D'après le compte-rendu de Rafael sur use Perl (http://use.perl.org/), cette après-midi a été très productive.
En comparant avec l'année précédente à Munich, on peut regretter la rareté des personnalités de tout premier plan. C'est dû à des facteurs que nous ne pouvions pas maîtriser, l'année étant particulièrement fertile en conférences Perl : pas moins de 8 dans la période février-juillet, 4 YAPC, 2 Workshops, 1 OSCON/TPC et un Perl Whirl. Même si quelques-uns ont fait l'effort de participer à 3 conférences, les autres gourous n'en avaient pas forcément la possibilité. Ensuite, les dates pendant lesquelles le CNAM était disponible étaient trop proches de la conférence OSCON et certaines personnes ne pouvaient pas s'absenter deux fois à deux semaines d'écart. Il faut aussi mentionner le problème du sponsoring, qui aurait permis à toutes ces personnes de se déplacer sans puiser dans leur deniers personnels mais qui a fait cruellement défaut cette année.
Mon compte-rendu a peut-être présenté parfois les grains de sable qui gênaient le fonctionnement de la machine, mais c'est parce que je voyais la conférence depuis les coulisses. D'autre part, cela peut servir à quiconque souhaite organiser une conférence du même type (ne commettez pas les mêmes erreurs que nous, essayez d'innover dans ce domaine ;-). Les échos que j'ai eus des conférenciers et des simples participants me donnent à penser qu'ils ont eu le sentiment que tout fonctionnait sur des roulettes parfaitement huilées. Sans doute n'avons-nous pas trop mal réussi à faire avancer les choses dans le bon sens...
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