[couverture de Linux Magazine 86]

Journée Méditerranéenne des Logiciels Libres 2006

Article publié dans Linux Magazine 86, septembre 2006.

Copyright © 2006 - Sébastien Aperghis-Tramoni

[+ del.icio.us] [+ Developers Zone] [+ Bookmarks.fr] [Digg this] [+ My Yahoo!]

Chapeau

Pour la première édition de cette conférence, les organisateurs de l'association Linux Azur ont vu les choses en grand en proposant la journée complète du samedi 6 mai pour faire découvrir les logiciels libres au grand public et aux professionnels de la Côte d'Azur.

Une journée bien remplie

[logo de la conférence JM2L 2006]

Se déroulant à l'École Polytechnique de l'Université de Nice, située au cœur de Sophia-Antipolis et de son agréable cadre, cette seule journée est néanmoins bien remplie puisque sont proposées presque une trentaine de présentations par autant de conférenciers, plusieurs provenant de Paris ou d'ailleurs. On reconnaît d'ailleurs certains suspects habituels comme Thierry Stœhr, le président de l'AFUL, qui harangue les quelques personnes présentes avant le début officiel de la conférence pour les inciter à acheter les t-shirts Creative Commons. Comme il n'y en a que trois et que quelqu'un en achète un, je prends le suivant, le dernier étant réservé pour qui voudra bien y mettre 1000 euros :-)

[photo du hall d'entrée] Le hall d'entrée, avec les stands des différentes associations.

La conférence commence vers 10 heures, avec quelques minutes de retard suivant les salles. Car on compte pas moins de cinq présentations en parallèle, réparties dans un amphithéâtre et quatre salles de travail, deux étant filmées et diffusées en temps réel sur le net. Il faut donc faire ses choix dans les présentations que l'on désire écouter, même si un effort a été fait pour essayer de regrouper les présentations abordant des thèmes proches.

Jean-Max Reymond - Une ouverture sur le logiciel libre

Jean-Max Reymond commence dans l'amphithéâtre par une présentation générale sur les logiciels libres. Après une rapide présentation de l'association Linux Azur, il explique le mode de développement collaboratif des logiciels libres et tous les avantages qu'il y a à les utiliser. Il appuie ses dires d'exemples concrets, par exemple la migration massive de la plate-forme de services du MINEFI (le Ministère des Finances) aux logiciels libres avec 4000 serveurs Linux. Le coût du dernier logiciel propriétaire utilisé, Oracle, est supérieur au coût total de la maintenance des 170 logiciels libres utilisés. Le retour sur investissement est d'un facteur 10 en moyenne.

Il rappelle toutefois que le coût d'une migration peut être plus élevé, par exemple dans le cas de la bureautique où il y a une forte dépendance sur les logiciels Microsoft. L'autre avantage des logiciels libres est qu'ils favorisent les standards ouverts, permettant justement d'éviter ce genre de dépendance. On n'est alors plus soumis aux décisions arbitraires d'un éditeur, ce qui permet de maîtriser l'évolution de son système, et donc les coûts associés.

Il explique ensuite Linux plus en détail, avec un petit historique, puis présente les différentes distributions disponibles.

Thomas Nagy - Présentation des solutions de Mind-Mapping

[logo de KDissert]

Thomas Nagy présente ce qu'est le mind mapping, le fait de pouvoir organiser des idées de manière non linéaire sous forme de graphes. Il explique qu'il a écrit KDissert pendant qu'il était étudiant en école d'ingénieurs pour l'aider à la rédaction de documents. Le principe est de pouvoir poser ses idées en vrac sur le plan de travail, puis de les relier et les ordonner au fur et à mesure, jusqu'à obtenir un tout cohérent. Chaque nœud (correspondant à une idée), peut contenir du texte formaté, des références à d'autres nœuds, des images. Il peut alors générer un document (Word, OpenOffice.org, LaTeX ou autre) à partir de l'arbre ainsi créé.

Il précise que l'opération inverse n'est pas possible. Quelqu'un du public fait remarquer que cela vient du fait que la plupart des utilisateurs ne savent pas se servir correctement d'applications comme Word. Je fais remarquer que cela devrait être possible à partir d'un document LaTeX puisque celui-ci est principalement sémantique mais Thomas pense que non.

Il présente rapidement les quelques autres outils libres de mind mapping, FreeMind et Vym (View Your Mind), mais indique que le sien est meilleur parce qu'il permet de créer des sous-arbres déconnectés :-)

Thierry Stœhr - Utilisez des formats ouverts, ou alors...

Président de l'AFUL, Thierry Stœhr est aussi co-créateur du site http://formats-ouverts.org/. Il veut nous montrer au travers des yeux de son personnage imaginaire, l'elfe fou ELFFOO, la prépondérance et donc l'importance des formats dans la vie de tous les jours. Présentant les choses avec beaucoup d'humour, il illustre ainsi les problèmes d'interopérabilité en parlant allemand :-)

Guillaume Chazarain - Outils de diagnostic sous GNU/Linux

Guillaume Chazarain présente des outils permettant de diagnostiquer les problèmes sous Linux. Cela va des plus classiques comme top et netstat aux plus avancés comme htop, linux-audit et systemtap en passant par ethereal et des plus expérimentaux comme dbus-monitor.

[photo du stand Linux Azur] Le stand de Linux Azur, tenu par Michel Aconin, secrétaire
de l'association, avec en fond les deux t-shirts à 1000 € !

Gregory Colpart - Présentation de Samba

Gregory Colpart réalise une présentation très complète de Samba, le serveur SMB/CIFS pour systèmes Unix. Après une présentation générale et des exemples classiques comme comment partager un CD-ROM ou mettre en place un serveur avec profils itinérants, Gregory en vient à des sujets plus pointus et plus amusants comme la gestion des utilisateurs. Il rappelle par exemple que si on a un parc hétérogène, il faut stocker les mots de passe deux fois, une fois pour les comptes sous Windows 9x, et une fois pour les comptes sous Windows NT. Samba impose en plus de faire correspondre un compte Windows à un compte Unix. Samba offre plusieurs solutions pour gérer cela, de simples fichiers textes à NIS+ en passant par SQL (qui est toutefois déconseillé). Mais le plus intéressant est d'utiliser OpenLDAP, ce qui permet de stocker à la fois les comptes Unix et Windows dans une seule base.

Il montre aussi comment se connecter depuis un système Unix sur un serveur SMB/CIFS en utilisant des commandes comme smbclient et net. Avec comme exemple amusant net -I ipaddr -U login rpc SHUTDOWN qui permet comme on s'en doute d'éteindre une machine Windows à distance. Il montre aussi qu'on peut intégrer une machine Linux à un domaine NT avec winbind, et qu'on peut même configurer PAM pour créer automatiquement les répertoires nécessaires avec pam_mkhomedir.

Il termine en indiquant que si la version actuelle de Samba ne permet pas de mettre en place un serveur ActiveDirectory, cela devrait être possible avec Samba 4, en cours de développement.

Déjeuner

Pour le déjeuner, les organisateurs ont réservé des places dans un restaurant de Sophia. Le repas est offert aux conférenciers et bénévoles, payant pour les autres participants, mais les prix ont été négociés pour offrir une petite ristourne. On peut par contre regretter que le restaurant, s'il a servi un bon couvert, a aussi été la cause directe du retard de la conférence sur toute l'après-midi, décalant l'horaire de plus de 45 minutes.

Aurélie Chaumat - La présence des femmes dans la communauté du Libre

La situation est connue, mais Aurélie Chaumat enfonce le clou avec des chiffres : il n'y a décidément pas beaucoup de femmes dans le monde merveilleux de l'informatique en général, et désespérément peu dans la communauté du libre en particulier. En effet, s'il y a près de 25% d'informaticiennes, il n'y a guère plus de 6% de geekettes en France et de 2% dans le monde. Aurélie râle d'ailleurs contre le terme « copine de geek », qui ne doit pas être vu comme le féminin (erroné) de « geek ». Elle tente ensuite d'analyser le pourquoi de la situation en présentant des causes sociologiques (accès plus tardif à l'ordinateur, moins de temps libre) et socio-culturelles (domaine perçu comme masculin). Elle donne aussi une explication amusante du pourquoi les femmes seraient plus rebutées par un RTFM que les hommes.

Aurélie fait remarquer qu'avec une aussi faible présence féminine en son sein, la communauté du libre se coupe de la moitié de la population. Intégrer plus de femmes ne peut donc qu'être bénéfique, mais il faut pour cela que tant les médias que le système éducatif réapprennent, qui à communiquer, qui à éduquer, en se débarrassant des idées préconçues et du machisme qui sont toujours très présents dans le milieu informatique.

Sylvain Lhullier - Perl, pour quoi faire ?

Représentant les Mongueurs de Perl, Sylvain Lhullier est descendu de Paris pour présenter les avantages de Perl. Il évoque bien sûr sa très grande capacité à traiter le texte, en particulier avec les expressions régulières, mais présente aussi ses autres points forts comme le fait qu'il soit disponible sur un nombre incroyable de plates-formes, et surtout le fait qu'il dispose du CPAN et de ses innombrables modules. Ayant visiblement captivé l'attention du public, je l'aide un peu pour répondre aux nombreuses questions qui sont posées sur les interfaces graphiques, le CPAN et le développement de Parrot et Perl 6.

Julien Gilli - OpenWengo

[logo d'OpenWengo]

Julien Gilli présente OpenWengo, la solution de téléphonie libre de Wengo, opérateur téléphonique de VoIP (voix sur IP) français. Leur logiciel WengoPhone se présente actuellement sous la forme d'une extension pour le navigateur Firefox, ainsi que sous la forme d'une application indépendante. OpenWengo est basé sur les fonctionnalités de la bibliothèque de GAIM, qui permet de se connecter sur la plupart des réseaux de messagerie instantanée. Julien présente l'architecture générale d'OpenWengo, et expose le travail effectué. Il expose aussi les autres solutions libres en cours dans ce domaine, qui tentent principalement d'offrir une véritable abstraction de haut niveau, afin de pouvoir envoyer des messages sans se soucier du réseau utilisé.

[photo de Julien Gilli] Julien Gilli présente OpenWengo.

Des nombreuses questions, certaines posées par IRC, on peut retenir le souci que pose la possibilité qu'ont ce genre de logiciels à traverser les NATs et pare-feu, puisque le blocage peut être dans certains cas légitime. Julien répond qu'il y a des études à ce sujet. Une autre personne demande pourquoi Wengo a développé OpenWengo plutôt que contribuer à GAIM. Julien explique qu'ils ont contribué, mais que GAIM et OpenWengo répondent actuellement à des besoins différents : le premier est orienté messagerie instantanée, le second voix sur IP.

Yann Cochard - Kaella, couteau suisse de l'informatique

Yann Cochard présente Kaella, une distribution qu'il a mise au point à partir d'une Knoppix pour l'association Linux Azur. Son nom vient d'ailleurs de là : Knoppix Linux Azur = KLA = Kaella.

Par rapport à une Knoppix, l'intérêt de la Kaella est qu'il s'agit d'une distribution entièrement francisée. Pour gagner de la place, les autres langues ont même été supprimées, ainsi que certains logiciels jugés inutiles, afin de pouvoir en ajouter d'autres plus intéressants pour les français, tels les pilotes des modems ADSL. Elle contient au total près de 2 Go de logiciels compressés sur les 700 Mo du CD-ROM.

Michael Opdenacker - Présentation de Linux et de l'écologie

Dans cette présentation très interactive, Michael Opdenacker expose des techniques permettant de réduire la trace énergétique des machines fonctionnant sous GNU/Linux. Parmi les techniques indiquées : éteindre sa machine quand c'est possible, ou sinon la mettre en hibernation, si possible sur disque; ralentir la fréquence du processeur avec cpuspeed et cpufreq; arrêter les disques durs (mais pas sur les serveurs !); utiliser le dynamic tick, qui permet de stopper l'ordonnanceur quand le système est inactif jusqu'à l'arrivée d'une interruption matérielle (option NO_IDLE_HZ). Alain Anglade, de l'ADEME, indique que les ordinateurs inactifs mais en marche représenteraient plus de 2% de la consommation électrique. Il s'agit aussi de réduire sa consommation de papier et d'encre en imprimant par exemple plusieurs pages par feuille et en recto-verso. Alain Anglade précise qu'il faut sept fois plus d'énergie pour fabriquer une feuille de papier que pour l'imprimer.

[photo de Sébastien Tricaud] Sébastien Tricaud explique en détail comment
utiliser et programmer PAM.

Michael explique ensuite comment réutiliser de vieux PC avec des petites distributions comme Damn Small Linux, et en utilisant les techniques issues de l'embarqué. Il indique aussi qu'on peut utiliser du matériel non-PC comme les NSLU2 ou les routeurs à base WRT. Il précise aussi que les vendeurs sont tenus de reprendre le vieux matériel quand on achète du neuf, mais quelqu'un fait remarquer que les filières n'étant pas encore prêtes, il est peut-être plus responsable de conserver le matériel chez soi. Je demande enfin quelle est la pertinence d'utiliser des vieux PC en sachant que leur consommation peut être supérieure. Alain Anglade confirme qu'ils ont fait des études, mais que la tendance, après une montée de la consommation des PC récents, pourrait enfin commencer à repartir à la baisse avec certains processeurs récents. Il nous apprend par ailleurs l'existence d'Envie, un réseau d'entreprises spécialisé dans le recyclage du vieux matériel électronique et électroménager, qui emploie pour ce faire des travailleurs en re-qualification.

Dany Nativel - Keysigning party

Dans cette présentation très technique, Dany Nativel montre comment stocker et éditer des clés GnuPG sur des cartes à puces, en utilisant des lecteurs appropriés dont les prix ont maintenant beaucoup baissé. Il expose la théorie et les contraintes légales liées à l'utilisation de la cryptographie, ainsi que les problèmes de sauvegarde et de révocation des clés. Confiant en lui-même, il effectue une démonstration en live, sur une machine qu'il ne connaît pas, sur un système qu'il ne connaît pas (la machine est démarrée sur un live-CD Kaella), mais tout fonctionne !

Sa présentation se termine par une traditionnelle séance de signatures de clés publiques.

Benjamin Bayart - Devenir FAI avec du libre et de l'associatif

[photo d'un Tux déstresseur] Un Tux déstresseur lance son appel aux dons.

Quoique cela puisse paraître surprenant à première vue, Benjamin Bayart explique dans cette présentation comment créer un fournisseur d'accès à l'Internet fonctionnant sur un mode associatif. Il illustre bien sûr son propos d'anecdotes tirées de son expérience pour mettre en place FDN (French Data Network), le plus ancien FAI associatif français encore existant. Bien évidemment, comme il s'agit d'une association avec un budget très faible, les logiciels libres ont une place prépondérante. Au niveau des services déjà, où l'on retrouve les classiques en la matière, comme Sendmail, Postfix, Apache, PHP, INN, Leafnode, BIND, mais aussi au niveau de l'infrastructure réseau, avec des logiciels comme Zebra et Quagga pour le support BGP et OSPF. Pour mutualiser et réduire le travail à effectuer, FDN et d'autres FAI associatifs se sont regroupés au sein du groupement d'intérêt économique (GIE) Gitoyen.

[logo de FDN]

Comme FDN peut maintenant offrir un support ADSL, Benjamin commence par expliquer les différentes notions de dégroupage... de manière compréhensible ! Au niveau logiciel, le point bloquant était pendant longtemps au niveau du protocole propriétaire L2TP, créé par Cisco, mais il existe maintenant l2tpns (en gros un FreeRadius couplé à un support BGP Multipath et un support optionnel d'adressage dynamique) qui permet de combler cette lacune. Benjamin explique ensuite comment il a dû négocier, pendant près de 18 mois, pour obtenir un contrat avec Cegetel pour les ouvertures de lignes. Le problème étant que les gros FAI considèrent qu'une petite structure ne peut être rentable et ne vaut donc pas le coup d'y accorder de l'attention. Benjamin indique que la situation a néanmoins un peu changé avec l'arrivée d'Axione, un « opérateur d'opérateur neutre de services réseaux haut-débit ». Comme il s'agit d'une délégation de service public, Axione ne peut refuser de contrat (par contre il peut coûter cher).

Une fois la paperasserie administrative réglée, il a suffit d'une semaine pour régler la technique chez FDN. Benjamin présente rapidement quelques-uns des outils qu'ils ont développés pour l'occasion, plusieurs étant déjà publiés sous GPL, tels Plutar et Kron, versions à grande échelle de at et cron.

[photo de Medhi, Véronique Fritière, Yann Cochard] De gauche à droite, Medhi, Véronique Fritière
(présidente de Linux Azur), Yann Cochard.

Clôture

La conférence se termine sans surprise très en retard, le bâtiment n'étant encore ouvert que pour nous laisser sortir :-)

Les organisateurs se déclarent très satisfaits de la conférence et estiment qu'environ 250 personnes se sont déplacées pour venir écouter la trentaine de conférenciers, certains effectuant des remplacements au pied levé. Ils me précisent que la conférence a été principalement réalisée sur les fonds de l'association Linux Azur, dont Wengo SAS est devenue adhérent en tant que personne morale, et avec une subvention du Conseil Général 06. Il bénéficiaient par contre de l'aide de nombreuses personnes de l'IUT et de différents services de l'Université de Nice. Pleins d'enthousiasme, ils comptent bien renouveler l'expérience l'an prochain.

Liens

Auteur

Sébastien Aperghis-Tramoni, {Marseille,Sophia}.pm, <sebastien@aperghis.net>

[IE7, par Dean Edwards] [Validation du HTML] [Validation du CSS]